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Le maïs et le sucre séduisent Goldman et Faber; le crédit à risque porte un coup aux métaux

Par Tom Cahill et Feiwen Rong

Le 20 août (Bloomberg) - Les investisseurs en marchandises n'auront peut-être jamais une meilleure occasion d'acheter du maïs, du coton et du sucre plutôt que du pétrole et du cuivre. Le sucre, principale source mondiale d'éthanol, a atteint un creux historique par rapport au pétrole brut. Cette année, le prix du maïs a subi sa plus forte baisse depuis 1998 alors que les agriculteurs américains produisaient leur plus grosse récolte depuis la Seconde Guerre mondiale. Le coton représente le pire placement du secteur des marchandises depuis trois ans.

Goldman Sachs Group Inc., la plus grande firme de courtage au monde, recommande le maïs après avoir prédit, à juste titre, un hausse rapide plus tôt cette année. Jim Rogers, ancien gestionnaire de fonds de couverture, et Marc Faber, qui a conseillé aux investisseurs de vendre leurs titres américains une semaine avant le krach boursier de 1987, affirment aussi qu'il faut privilégier les marchandises agricoles. Au cours du mois, le blé, le café et le maïs ont surclassé presque toutes les marchandises du UBS Bloomberg CMCI index. Le pétrole a fléchi de huit pour cent et le prix du cuivre a atteint un plancher depuis mars, lorsque les pertes sur prêts avaient une incidence négative sur la demande des consommateurs.

« S'il y a un ralentissement mondial, il n'aura aucun effet sur les marchandises agricoles puisque les populations continueront de manger », affirme Sean Corrigan, chef de la stratégie de placement chez Diapason Commodities Management, qui gère des placements de six milliards de dollars à Lausanne, en Suisse. « L'acier, le minerai de fer et le nickel pourraient être touchés négativement. Mais les gens vont continuer d'aller acheter du pain et des pommes de terre. »

Hausses du prix des aliments

Le redressement du prix des aliments stimule l'inflation alors que les pertes liées au crédit à risque affaiblissent les marchés financiers. Le 17 août, la Réserve fédérale américaine a réduit ses taux d'intérêt sur les prêts directs aux banques de 0,5 point de pourcentage pour les porter à 5,75 pour cent dans le but de raviver la croissance économique. Cette baisse imprévue est la première adoptée entre les réunions prévues du Federal Open Market Committee depuis 2001.

« La Fed a reconnu que nous avions un très, très gros problème », a affirmé David Threlkeld, président de Resolved Inc. de Scottsdale, en Arizona, qui négocie des métaux depuis 40 ans. « Nous sommes confrontés aux mêmes problèmes que le marché du crédit à risque. Les marchés des métaux sont appelés à connaître les mêmes circonstances. »

La baisse de 20 pour cent subie par le sucre cette année a tellement réduit les prix que les investisseurs peuvent acquérir presque sept contrats à terme sur le sucre pour chaque contrat sur le pétrole brut, l'écart le plus marqué en près de 20 ans d'après les prix des marchés à terme de New York. Une tonne de pétrole brut sur le New York Mercantile Exchange coûte aujourd'hui 2,5 fois plus qu'une tonne de sucre sur le New York Board of Trade. Depuis dix ans, les deux marchandises se négociaient autour du même prix moyen.

Diminution des stocks

Alors qu'on prévoit des surplus de 11 millions de tonnes métriques pour le sucre, le mauvais temps pourrait réduire les stocks mondiaux, déclare Greg Smith, fondateur de Global Commodities Ltd., une compagnie établie à Adelaide, en Australie, qui gère un fonds de marchandises d'une valeur de 210 millions de dollars.

« Pour le moment, le risque est plus élevé puisque nous amorçons la saison des turbulences météorologiques », déclare M. Smith, qui a ajouté que les dommages causés par les tempêtes pourraient faire doubler le prix du sucre à 20 cents la livre, comparativement à 9,4 cents au 17 août sur NYBOT. « Nous consommons beaucoup de sucre dans notre alimentation et nous l'utilisons maintenant comme source d'énergie alors que malheureusement, les conditions météorologiques deviennent plus extrêmes. »

Le coton, qui tire de l'arrière par rapport aux 25 autres marchandises du UBS Bloomberg CMCI Index depuis 2004, pourrait inscrire des gains grâce à la hausse des ventes aux compagnies de textile chinoises. Les prix pourraient atteindre 67 cents la livre en un mois, un gain de 17 pour cent par rapport au tarif de 57,5 cents inscrit au NYBOT, d'après un rapport des analystes de Barclays, y compris Kevin Norrish à Londres, daté du 15 août.

La hausse des revenus en Chine et en Inde aura aussi pour effet de soutenir la demande à l'égard de la viande, ce qui fera augmenter la consommation de maïs et de fèves de soya pour nourrir les animaux. Le revenu net des agriculteurs américains augmentera de six milliards de dollars, soit 9,9 pour cent, pour s'établir à 66,6 milliards de dollars cette année d'après les prévisions du Department of Agriculture faites en février.

L'appétit de la Chine

McDonald's Corp., la plus grande compagnie de restaurants au monde, prévoit avoir au moins 1 000 restaurants en Chine l'an prochain, soit 800 restaurants de plus qu'à l'heure actuelle. Yum! Brands Inc., le propriétaire de Pizza Hut, PFK et Taco Bell, ajoutera 400 restaurants en Chine, soit une partie des 1 000 restaurants qu'elle ouvre à l'extérieur des É.-U. chaque année depuis sept ans.

« L'Asie compte trois milliards d'habitants qui n'ont pas pris part à la dernière hausse des marchandises et qui ne vont certainement pas perdre leur appétit à cause des problèmes que connaissent les É.-U. », déclare Jim Rogers, qui a prédit le début de la reprise des marchandises en 1999.

« Même si l'Amérique fait faillite, ces trois milliards de personnes vont continuer d'être en bonne santé et de manger plus », affirme l'auteur de « Hot Commodities » âgé de 64 ans. Son indice international, le Rogers International Commodity Index, a plus que doublé en cinq ans.

L'investisseur Marc Faber, qui a 61 ans, a déclaré que le prix des marchandises agricoles est « encore extrêmement faible » en termes réels et qu'il « paraît relativement intéressant » en raison des problèmes météorologiques potentiels. « Les produits agricoles sont les plus favorables, ainsi que le coton et le sucre », ajoute M. Faber. Dans un courriel daté du 16 août, il déclarait qu'il se préoccupait des excès de prix pour « tous les actifs à l'heure actuelle ».

Gains sur les ventes d'aliments

Nestle SA, le plus grand transformateur de produits alimentaires au monde, Sara Lee Corp. et H.J. Heinz Co. ont déclaré la semaine dernière que les bénéfices dépassent les estimations des analystes suite à la hausse des ventes et des prix de leurs produits alimentaires.

« Nous avons atteint un niveau différent pour les prix agricoles et il est là pour rester », a déclaré Peter Brabeck, chef de la direction de Nestle, au cours d'une entrevue réalisée le 15 août. « Cette situation est attribuable à la hausse de la demande en Asie ainsi qu'à la demande pour des biocarburants. »

Les tarifs d'expédition augmentent en raison des commandes pour des marchandises en vrac, alors que le marché des navires pétroliers sombre. Cette année, le Baltic Freight Index, qui mesure le coût d'expédition des grains et du charbon, affiche une hausse de 64 pour cent, un record sur le Baltic Exchange. Le coût de transport d'un baril de pétrole brut du Moyen-Orient au Japon, considéré comme indice-repère mondial, a chuté de 17 pour cent durant cette période.

La hausse du coût du carburant, des fertilisants et de l'équipement fera augmenter le prix des produits agricoles, déclare James Gutman, directeur exécutif et économiste principal chez Goldman Sachs à Londres. Le 30 mars, Goldman prévoyait que le prix du maïs passerait de 3,745 $ à 4,15 $ le boisseau en six mois. Le 18 juin, il a bondi de 16 pour cent pour s'établir à 4,35 $.

Évolution des prix

L'évolution vers des prix plus élevés « a commencé avec le brut en 2003. Le même phénomène a marqué les métaux en 2005 et nous le voyons actuellement se reproduire avec les grains », a ajouté James Gutman, qui prévoit que le prix du maïs augmentera de 27 pour cent pour s'établir à 4,40 $ le boisseau dans douze mois (comparativement à 3,4575 $ le 17 août). « Le secteur agricole est donc le prochain secteur pour nos portefeuilles. »

Galahad Gold Plc, une compagnie de développement minier établie à Londres, a annoncé aujourd'hui qu'elle prévoyait commencer à investir dans les terres agricoles, les récoltes et le bétail étant donné que le marché des métaux était « arrivé à maturité ».

« La demande pour des aliments de meilleure qualité est stimulée par la forte croissance économique de nombreux pays », affirme la compagnie, qui soustrait le mot « Gold » de son nom d'entité. « Les indicateurs macroéconomiques des denrées (c.-à-d. les marchandises non industrielles) s'apparentent à ceux de l'or et du cuivre lorsque Galahad a initialement investi dans le secteur minier. »

Déclin des métaux

Le nickel, le cuivre et les autres métaux industriels sont les plus grands perdants du secteur des marchandises depuis le 16 juillet, lorsque la crise du crédit à risque associée aux prêts hypothécaires a fait craindre un resserrement du crédit et ce, en partie parce que les investisseurs vendaient des placements pour avoir des liquidités et compenser les pertes subies ailleurs.

« Les gens vendent des placements pour avoir des liquidités, comme nous l'avons vu sur le marché du pétrole brut et les marchés des métaux industriels », affirme Christopher Wyke, gestionnaire de fonds pour le Schroders Agriculture Fund de Londres, dont la valeur s'établit à un milliard de dollars. « Dans le secteur de l'agriculture, il n'existe aucune connexion ».

Selon Roland Jansen, administrateur en chef chez Mother Earth Investments AG au Lichtenstein, jusqu'à 33 pour cent des positions dans des marchandises sont peut-être détenues par des investisseurs qui pourraient être forcés de vendre pour financer leurs appels de marge. Lorsqu'ils le feront, il sera prêt à en faire l'acquisition pour son fonds de 129 millions de dollars.

« C'est une excellente occasion d'étendre nos positions aux secteurs de l'agriculture et des denrées », affirme M. Jansen. « Nous suivons les phénomènes météorologiques avec beaucoup plus d'intérêt que les resserrements du crédit. »